Dreams of loneliness, like a heartbeat (drives you mad)...
Ce matin, c’était le dernier aller direct sur la ligne 9. Ce soir, ça sera le dernier retour direct sur la ligne 9. Aujourd’hui, c’est le dernier jour de travail jusqu'à la fin de mes jours d’ici au 6 novembre. Dimanche dernier, c’était la dernière lessive avec cette machine à laver qui me tennait déjà propre de pied en cap à l’époque où j’étais une jeune fille paumée et totalement à la dérive étudiante qui vivait chez ses parents… Dimanche, c’était le dernier petit plat mitonné sur la cuisinière que je traîne elle, depuis… pfff… Que je me suis fais foutre à la porte par le divorce de mes parents Que je suis partie de chez mes parents… 10 ans ? Un peu plus tôt, ça a été le tri dans les 20 cartons de bouquins que je traîne eux aussi, entre la région parisienne et le Luxembourg, et back again , depuis que je me suis fais foutre à la porte par le divorce de mes parents que suis partie de chez mes parents… 5 cartons à vendre, 1 vendu, le reste dans un caveau une cave familiale, en attendant la résurrection finale le déluge… Ce soir, y’a une minette que je ne connais d’y d’Eve ni d’Adam qui vient récupérer une étagère avec son chéri. Mardi dernier, c’était des copines qui avaient la bonté d’adopter une partie de mon jardin en promettant d’en prendre soin, et puis 2 jeunes messieurs qui récupérait le lit de secours, sans parler de la visite impromptue de potentiels futurs locataires, qui eux ont eu le gentillesse de descendre la poubelle. Dimanche, toujours deux jeunes messieurs, mais d’autres encore. Et puis il va aussi y avoir la case Poste demain matin, paquets à envoyer aux quatre coins de France contre quelques futiles euros… Et puis encore une plante à livrer, accompagnée d’un scanner pour les appétissants gentils élèves. Et puis encore le bureau à vider. Une partie de la cuisine. Emballer très soigneusement mon Mothership Connection. Et puis les dernières babioles qui traînent, les choses inutiles, les choses dérisoires, ce menu fretin qui tord le cœur mais dont on ne sait quoi faire…
Ce sentiment d’abandon. Ce sentiment de reniement. Ce sentiment de mise à nu. Ce sentiment de dépeçage.
(J’ai rêvé la nuit dernière que pendant mon sommeil, des petits lutins descendaient les 30 tonnes de meubles, bouquins, baskets, vases, bibliothèques, tv et ordi tout du long de mes 111 marches, puis en remontaient une quinzaine du côté du 18e arrondissement, toujours avec les 30 tonnes. Je me souviens que je râlais, parce qu’au lieu de trouver le moyen de ranger les 30 tonnes dans les 34 m2 partagés de mon nouveau logis, ils avaient juste tout entassé au milieu, et qu’on ne pouvait plus circuler dans l’appart’ car la montagne de cartons bouchait toutes les portes. Je me souviens que ce matin au réveil, j’avais le sentiment que je n’avais plus qu’à fourrer ma nuisette dans mon sac à main, et prendre le métro pour mon nouveau refuge. C’est à l’étape « je me lave les dents » que je me suis rendue compte que le déménagement, c’était dans 48h. Et maintenant, dans 33 heures.
Il est précisé que c'est un roman. Mais vu la biblio-audiovisio-rencontro-graphie proposée en fin de volume, pour ceux qui oseraient encore tenter de faire croire que tout ceci (1938-1945) n'est que pur détail de l'Histoire, c'est l'histoire telle je l'ai toujours aussi conçue: l'Histoire, ce n'est aussi que l'aggrégat de toutes nos h(H)istoires à tous.
Des mois (des années?) que je n'avais pas isomniaquisé sur un livre deux nuits d'affilée...
Parce qu’il y a des jours comme ça, et de plus en plus souvent d’ailleurs, où j’ai juste envie de disparaître. Ou plus exactement, de me tapir au creux d’un petit trou de souris, et d’y laisser rêvasser mes neurones, du moins ceux qui fonctionnent encore, doucement bercés par le flot des paroles des autres.
Oserais-je avouer que parfois, je me fatigue moi-même. Oserais-je avouer que j’envisage de plus en plus souvent d’aller m’enfermer dans une abbaye quelconque et de faire une semaine de retraite silencieuse… Oserais-je avouer, last but not least, que de plus en plus souvent, je ne supporte plus le son de ma propre voix, tellement je me saoule moi-même.
Lisbeï, non de d., ferme ta grande gueule, tu me fatigue…
Certes.
Tout ça pour dire qu’un tel état d’esprit pour un Paris Carnet, allié à une volontaire abstinence alcoolique pour cause là aussi de lassitude d’assommation systématique de cerveau pour mieux l’empêcher d’éruptionner … Et bien, ça vous fait une voleuse de mots. Car la souris, malheureusement, n’est pas invisible, elle était même en turquoise pétard hier, histoire de continuer à nier le froid qui peu à peu s‘insinue de nouveau. Beaucoup pris donc, et peu donné. Pas le courage de faire la conversation, pas le courage d’aller à la rencontre des autres, pas la force de donner… Mes regrets donc, et en particulier au jeune homme en pull marin échoué à ma gauche, qui semblait bien intimidé par le joyeux chahut et pour lequel je n’ai pas été d’un grand secours… Mes regrets donc, et aussi à ceux qui ont pu avoir la désagréable impression que je laissais traîner mes oreilles là où elle n’étaient point désirées… En attendant, j’ai appris plein de choses sur le rugby, sur les liens cachés entre un certain lieu de perdition parisien et notre Très Vénéré Escroc Premier Président de la République, sur le meilleur moyen de griller un disque dur tous les deux ans, et enfin sur les effets bénéfiques de la Verveine-Menthe.
Un peu par hasard, un peu par espoir déçu de claquer dans un taxi les sous que je n’ai plus, vu qu’ils sont tous en voie de captation par le Trésor Public, je me suis retrouvée à déambuler dans ces petites rues et autres recoins du XIe / XIIe que je connais comme ma poche, me faufilant de raccourcis en rues transversales dans ce labyrinthe urbain pâli par la lueur des réverbères, lancée sur baskets automatiques… Une ballade solitaire dans la fraîcheur du début d’automne, une longue, belle et sereine errance pédestre comme mes défaillances de matériel (i.e. un dos en vrac), m’en ont si longtemps privée…
Qu’il va me manquer, ce petit bout de Paris à moi…
Juste, quand après 15 jours de congés on arrive avec 55 minutes de retard au bureau pour cause d’insomnie sévère et persistante entre minuit et 4h du matin, et que de surcrois, malgré 18 mois d’allers-retours quotidiens sur la ligne 9, on met 3 stations à se rendre compte qu’on s’est trompé de sens de ligne…
Le diagnostic ne peut être on ne peut plus limpide…