juin 18, 2003 |
|
Ad to lib
Mon amour, mon cœur,
Tout d’abord, laisse-moi me laisser submerger par la bouffée de joie, d’amour et de tendresse qu’évoquent ces mots si simples, répétés avec tout l’amour dont j’était capable pendant presque 3 ans.
Mon amour, mon cœur,
Nous sommes le 17 juin aujourd’hui. Tu vois, la boucle est presque bouclée. Dans quelques mois en miroir, nous ne nous connaissons plus. Dans quelques mois en miroir, tu n’existera symboliquement plus. Mais pile poil en miroir, le 17 juin 2001, mon frère adoré me retenait par le fond du jean pour m’empêcher de me jeter sous un train dans la gare de Lux, à peu près à cette même heure. Il y a pile poil 24 mois, je pleurais dans tes bras après ton bref retour digne du plus minable des vaudevilles, je pleurais comme jamais avant ni depuis je n’ai pleuré. Ta mort ne m’aurait pas causé plus de chagrin. En fait, tu es mort ce jour là. Et moi aussi. Et "nous" aussi.
Ce soir, c’est un soir important pour moi. En 2002, c’était ma première nuit dans mon nouvel appart’ à Paris, et je m’étais donné comme objectif au soir du 17 juin 2001 d’être à Paris l’année d’après, quoi qu’il arrive. Objectif tenu.
Ce soir, j’aimerai te dire ce qui m'a rongée de l'intérieur pendant ces 24 mois, ce qui me ronge toujours, te parler "en vrai", enfin, et ainsi andandonner ton cadavre définitivement, mon amour, mon coeur. J’aimerai tant que le 17 juin devienne une soirée comme les autres, tout comme le 17 mars, tout comme le 11 août…Que ces dates deviennent anonymes, enfin…
Tu vois, je me suis fait belle pour toi, j’ai mis cette jupe bordeau que tu aimes tant, et j’ai sollicité l’aide d’une bonne bouteille de vodka, cuvée "Brisez la glace en cas d’extrême necessité" pour m’aider à exorciser une bonne fois pour toutes cette histoire qui me consume à petit feu. J’aimerai que cette soirée soit la dernière avec toi, avec "nous" et avec ton fantôme.
Mon amour, mon cœur, je ne t’aime plus. Je ne savais pas que cela serait possible un jour, mais je ne t’aime plus. Je ne "nous" aime plus non plus. Mais ça, c’est pas grave, ça fait depuis longtemps déjà…
Tu t’es levé le 17 juin 2001, à 2 doigts de partir en weekend, pour me dire que tu ne m’aimais plus, que tu me quittais, et que tu étais amoureux de Caroline.
Bien sûr, c’est de ma faute. La vie était particulièrement difficile pour moi à ce moment là. Je n’arrivais pas à me sentir bien à Lux, je galérais de boulot en boulot dans ce pays qui me détestait autant que le détestais, j’avais repris un nombre inavouable de kilos, je n’arrivais pas à me recréer une vie indépendante et personnelle. J’avais commençé à voir un psy 2 mois avant ton départ, mais ça tu l’ignorais. Ca n’allait pas. Je n’allais pas. Nous ne faisions plus l’amour, et j’étais incapable de te parler de quoi que ce soit. J’avais besoin d’aide, et j’avais été en chercher, mais pas auprès de toi. Honte, peur, désir de ne pas peser sur "nous"... Je me suis murée dans mon mal-être , enfermée dans ma peine. J’aurais bien aimé que tu m’aides, pourtant. Que tu ais la générosité de donner juste un peu sans attendre que je retourne le monde en échange…Mais non…
En fait, tu m’a quitté parce qu’à un moment, j’ai eu la faiblesse d’être faible, à un moment, j’ai cessé de faire semblant que tout irait bien. J’ai été faible, vulnérable, j’avais besoin de toi, de réconfort, d’encouragement, je crois que j’avais besoin du don de l’amour, tout simplement. Et toi, tout ce que tu as vu, c’est une minette qui perdait pied, et qui de son rôle de locomotive passait à celui de wagon. J’ai eu la faiblesse d’être faible, et ça, tu ne me l’a pas pardonné. Tu ne m’a pas aidé, pas soutenue, pas épaulée. Tu es parti en te déchargeant du problème que je devais commencer à représenter pour toi. Sujet suivant.
Mon amour, mon cœur, mon meilleur ami, mon frère, mon équipier, mon compagnon, mon partenaire, tu m’as trahie, tu m’as abandonnée. Abandonnée loin de tout ce qui me constituait en propre, adandonnée au milieu de nulle part. Abandonnée, alors que moi j’avais abandonné tout ce que j’étais et tout ce à quoi je tenais pour que toi, tu puisses réaliser tes rêves. J’avais tout bravé, j’avais tout combattu… Tu voulais le beurre et la crémière, tu m’as demandé de te suivre à Lux, et je l’ai fait. Pour toi, pour "nous". Je l’ai fait parce que je t’aimais plus que moi-même, et c’est aussi sûrement là une de mes plus magistrales erreurs. Je t’aimais plus que moi-même, je t’aimais comme jamais je n’avais aimé, comme même j’ignorais qu’on puisse aimer… Je t’aimais plus que tout…
J’ai refusé de t‘épouser 4 fois parce que justement je t'aimais, et je ne voulais pas que tu ais le sentiment d’être emprisonné, je voulais rester tels que nous étions, libres de nous poser sur la même branche par désir, et non par obligation. J’ai remis en cause ma carrière et mon boulot pour m’adapter à une société et à une évolution de carrière que le Lux rendait 10 fois plus compliqué qu’à Paris, j’ai abandonné un magnifique appartement que je payais une misère, et me suis ainsi condamnée à devenir une clandestine dans ma propre ville, cette ville que j’aime tant… Et aujourd’hui, je n’ai pas les moyens d’y vivre, parce que je n’ai plus cet atout qui me rendait tout possible, et je survis du bout des ongles sans aucune perspective d’amélioration parce que j’ai 3 ans de retard au niveau professionnel.
Je t’ai fait confiance comme jamais avant je ne l’avais fait, je me suis mouillée pour toi, et même plus, je me suis mise en danger vital pour toi. J’ai tout mis dans le pot commun. Tout. Mon amour, ma loyauté, ma confiance, mon intégrité. Je t’ai tout donné, tout ce que j’étais, tout ce que j’avais à offrir. Je l’ai fait parce qu’il y a de nombreuses années, Tayeb m’avait reproché ma dureté, mon dirigisme, ma défiance, mon obstination et mes œillères. Quand je t ‘ai rencontré, ses paroles résonnaient toujours. Et pour une fois, une seule et unique fois dans ma vie j'ai tenté pour de vrai, j’ai tout enlevé, et tout donné. Et je t'aimais, excuse pitoyable...
Vincent, regarde moi dans les yeux, et dis-moi comment tu as pu me planter un tel couteau et dans le cœur et dans le dos ?
Mon amour, mon cœur, quand tu es parti, tout le monde s’est empressé de me dire que, de toute façon, tu étais un minable, et que je serai bien plus heureuse sans toi. C’est sûrement vrai. Mais pour moi, ça veut juste dire que j’ai foutu ma vie en l’air pour un minable. Que tout ce que j’aurais vécu avant toi, tous ces combats, toute cette survivance auront été jetés en pâture et détruits par un minable. Et le plus dur dans l’histoire, c’est que je savais que je faisais la plus grosse erreur de ma vie. Je le savais. Je le sentais. Mais mon cœur a réussi à bayonner mon cerveau et mon instinct. Je ne me suis jamais fait de cadeaux, et ce que tu te plaisais à appeler ma " tempête de neurones " était et est toujours signe d’une intense guerre civile interne. Bref, les intra-disputes (au sens médiéval du terme) sont sans pitié là-haut. Et bien, le cœur a réussit à persuader le cerveau rationnel qu’il avait tort, qu’il avait peur, et que lui le cœur, savait ce qu’il faisait et qu’il fallait lui faire confiance… La confiance, encore et toujours…
Ce qui veut dire que je suis capable de me mentir à moi-même, que le seul garde-fou, la seule boussole en laquelle j’ai jamais pu avoir confiance dans la vie m’a également trompée. Et c’est ça qui ne passe pas. Je ne peux même plus me reposer sur moi-même, je ne peux même plus me fier à mon instinct et à mon intelligence. Je ne peux plus me reposer sur quoi que ce soit pour ne pas me perdre, même pas sur moi-même, moi la solitaire, moi l’auto-suffisante…. Même ça, tu l’aura détruit… En fait, tu aura tout détruit…
Ca veut également dire que je ne ferai jamais parti d’un autre "nous" non plus. "Je" re-existe tout juste. Je ne peux plus savoir si je ne laisserai pas le peu de plumes qu’il me reste au prochain " nous ", et je ne peux plus courir le risque de mourir une seconde fois. Je n'aurai pas deux fois cette force qui me renverse moi-même, cet instinct de survie extraordinaire qui fait qu'aujourd'hui j'ai encore une vie pour écrire ces mots. Tu m’as condamnée à la solitude et à la défiance éternelles. Merci, mon amour, mon cœur, merci d’avoir fait de moi une handicapée émotionnelle à vie, merci d’avoir compléter le boulot si bien entamé par mes parents et que j’avais combattu si farouchement pendant toutes ces annnées… Merci…
Oh bien sûr, tu as été remplacé. Tu n’avais pas passé la porte depuis 3 jours que je jouissais à plein poumons dans les bras d’un autre, exultant d'autant plus au passage de toujours porter cette si jolie alliance, symbolique mais si forte, que tu avais refusé de reprendre… Une marque de dédain de plus de ta part, mon cœur minable…Remplacé, et bien remplacé… Ils ont dû penser que j’étais folle. Je l’étais, d’ailleurs. Folle, vide, hébétée, k.o. debout, ivre de souffrance, en pleine auto-destruction… Pendant presque un an, à bosser 7 jours sur 7 pour surtout ne pas penser, ne pas exister… Plus personne aux commandes... Oui, j’étais tout ça… Et pire…
Bien sûr que je savais que ce n’était pas pour toujours, mon amour, mon cœur. Toujours n’existe pas en amour. Mais je souhaitais parcourir en ta compagnie le cycle amoureux, en partenaires, en alter-ego : la passion, l’amour, la complicité, la lassitude réciproque et la décision commune de passer à autre chose… Pour moi, notre périple en équipage prendrait 10 ans, 10 ans à explorer toutes ces phases, et encore plein d’années derrière pour faire plein de découvertes chacun de notre côté, et garder tendresse et respect l’un envers l’autre…Une envie solitaire, semble t-il…
Mon amour, mon cœur, il se fait tard, la bouteille est bien amochée et tu sais presque tout. J’espère que tu as fait ou va faire de jolis réac’ racistes de droite avec Caroline ou une autre, j’espère que ta petite vie pépère ne sera plus malmenée par une intello de gauche parisienne, et que tu pourra dormir en paix sur tes lingots, ta facilité, ta rigidité, ta peur, ton intolérance et ta morale jusqu’à la nuit des temps. Reste au chaud, surtout ne pense pas, ne réfléchit pas, n’existe pas, c’est bien… Je te le souhaites mon cœur, mon amour.
Si c’était à refaire, je ne le ferai pas. Si j’avais sû, je serai restée au fond de mon lit avec un autre ce fameux 17 mars. Une seule fois dans ma vie, j’ai fait pleinement confiance. Une seule fois dans ma vie, j'ai parié sans truquer les dés. Une seule fois dans ma vie, j'ai accepté d'aimer comme les autres, je me suis permise, moi aussi, comme les autres, de dorer mon coeur à la chaleur de l'amour et de déployer intégralement mes propres ailes amoureuses. Une seule fois dans ma vie, je me suis autorisée à ne pas fuir mais à jouir de l'amour, simplement, sincèrement... J'aurai dû relire la légende d'Icare à ce moment là ... Mais j'ai désormais bien retenu la morale de ce mythe qui n'en est pas un. Elle tient en deux mots, cette morale: plus jamais. Je suis revenue à ma spécialité-maison d’atomiser en 3 mots tout ce qui bouge, ou ne bouge pas d’ailleurs. A quoi bon recommencer autrement? Quelque soit le labyrinthe, il ne propose toujours qu'une seule sortie...
J’étais fière, orgueilleuse, dynamique, sans peur, auto-suffisante et autonome… Je retrouve un peu aujourd’hui de mon lustre, mon orgueil a explosé en plein vol et un peu d’humilité ne lui a pas fait de mal, mais j’ai ce point de côté permanent qui m’empêche de me remettre à courir, j’ai ce gant glacé autour du cœur qui m’empêche ne serait-ce que d’apprécier… Et je n’arrive pas à admettre que non seulement j’ai gâché 3 ans de ma vie avec toi, mais en plus que la traçe de ton passage m’handicapera et me salira à vie, et qu’en fait c’est moi-même que je n’arrive pas à pardonner d’avoir eu la faiblesse d’Aimer une fois dans ma vie… Moi qui croyais que je pouvais tout, je me rends compte que l’Amour est trop cher pour moi, et que je n’ai pas les moyens de l’assumer… Comme une drogue dont le manque est tellement insupportable qu’on préfère mourir plutôt que de s’en passer. Moi, je suis en sevrage permanent, et je regrette amèrement d’y avoir touché… Pas connu, pas manqué… Tu connais l’adage des remords et des regrets… J’aurais préféré les regrets….
Mon amour, mon cœur, il est presque demain, et je souhaite que demain tu n’existes plus en moi, je souhaites que ton existence disparaisse de mon passé, de mon présent et de mon avenir. Tu m’as pillée, laisse donc ma dépouille tranquille… Ca fait trop longtemps que je porte ta trahison en moi... Je n'en peux plus de cette douleur enfouie, intime, inexorable, lancinante...
Mon amour, mon cœur, je te hais, mais je me hais encore plus fort de t'avoir laissé me détruire… Disparais de l’intérieur, et laisse moi vivre sans être hantée par cette haine…
|
posted by Lisbeï @ 6/18/2003 12:00:00 AM ::
|
|
|