Lisbeï
Grand tripotage de nombril et autres divagations
novembre 19, 2003
Brothers in Arms

Pierre, mon ami Pierre…
Un mantra, une berceuse, une litanie égrenée tout au long de la ligne 6 hier soir, alors que je traversais au rythme d’escargot du métropolitain la moitié de la ville pour rejoindre Pierre, mon ami Pierre, Pierre, mon ami Pierre… Pierre, pas vu depuis presque un an, Pierre a qui écrire des mails semblait insurmontable après tant de silence… Qu’avais-je à lui raconter, si ce n’est que une fois encore je flotouillais entre deux eaux… Pas envie de partager ça, mais rien d’autre à partager… Alors, silence coupable…

Pierre, mon ami Pierre, en visite pour quelques heures avec son frère dans une quête mystery shopper / relevé de concurrence / expérimentation de formule qui pourrait marcher là-bas, sur la Place d’Armes… Pierre, mon ami Pierre, un coup de fil alors que je m’apprêtais à rentrer à la maison enfin, pour vaquer, enfin, et puis cette voix et cet accent comme nul autre, taquine, affectueuse, mi-Lux mi-US, "Alors la vieille, pas encore morte?". Un sourire, un vrai, qui remonte d’un cœur dans les chaussettes, et cette course d’obstacles effrénée, entre coupure de trafic sur la ligne 5 et la 6 qui fait faire un si long détour… Raspail, enfin, et Pierre, mon ami Pierre, et puis Antoine aussi, rencontré brièvement il y a longtemps à Lux… Pierre et Antoine, à la fois si Luxembourgeois et si ‘ricains, avec leurs costumes sombres, leurs cravates bariolées, leurs cigares et leurs bedaines d’hommes prospères, leurs mots qui s’égarent entre anglais, français et luxembourgeois, leurs dégaines endimanchées, mais leurs sourires surtout, leurs regards, leur gentillesse infinie… Les retrouvailles, les échanges à bâton-rompus sur la vie dans ce petit pays du nord-est, les nouvelles des uns et des autres…

Pierre, rencontré en plein marasme personnel, septembre 2001, je ne sais même plus comment… Pierre, qui m’avait aidé à réorganiser la maison après le départ de Vincent, des planches de bois râpeuses dans sa belle voiture, Pierre qui, s’inquiétant de mon ascétisme alimentaire, débarquait le samedi soir dans ma cuisine pour me préparer des "scampis" et être sûr que je les mange, Pierre qui se vengeait de mon émotion sur "A streetcar named desire" en me traînant assister au carnage de "Planet of the Apes", Pierre que j’entraînais dans les rares rassemblements gauchistes de ce pays viscéralement de droite à la KulturFabrik, Pierre qui pendant des semaines et des mois m’a écouté pleurer, encore et toujours, qui a supporté mes raisonnements en cercles vicieux et fermés, Pierre qui m’emmenait à Metz acheter ces tailleurs que je devais supporter "dans le cadre de mes activités professionnelles", tailleurs que je devais renouveler presque tous les mois, (15 kilos de moins en 6 mois obligent), tailleurs toujours dans les cartons eux aussi… Pierre, rentré après plus de 10 ans sur le nouveau continent, rentré sans sa chérie dans son petit pays de la vieille Europe qui lui manquait tant, Pierre en attente de reprendre les rênes de la passion, et accessoirement entreprise, familiale, cuisiner pour les autres, Pierre qui ne se sentait pas encore assez fort à l’époque pour recommencer à voler de ses propres ailes, Pierre qui m’emmenait visiter le chantier de Hamm les dimanches après-midi d’hiver, Pierre que j'entrainais avec Marie et Fabien au O'Bar, Pierre qui avait besoin de mon énergie et de ma différence comme j’avais besoin de sa constance et de sa gentillesse, Pierre si triste à mon départ et en même temps si heureux de me voir concrétiser ce dont je rêvais depuis des mois, rentrer chez moi, à Paris, comme lui était rentré chez lui, à Lux…

Pierre et Antoine qui encadrent de toute leur élégance et de toute leur stature mes 159 petits centimètres gainés de jeans’ et de tee-shirt informe, (mode de saison: ce qui me tombe sous la main et kilos disparus, encore) dans cette brasserie un peu snob et vieille France, où nous faisons bombance et bonne chère, 6 yeux de pro grands ouverts sur les détails du service, la rapidité, la qualité des plats, l’accueil des clients, relevant les oublis comme les bonnes idées, autant de manière de faire dont ils pourront s’inspirer, là haut.
Antoine qui tente de déstabiliser le serveur, qui s’acoquine avec nos voisins de table, qui chronomètre les anniversaires, Pierre et moi observant goguenards son manège de client chiant et tentant de ne pas rire trop fort, Pierre et Antoine qui s’ébahissent sur les tarifs parisiens et qui régalent toute la soirée sans sourciller, merci les notes de frais, Antoine tout heureux de voir Pierre heureux et à l’aise avec une femme autre que sa belle américaine / arlésienne, qui le pousse à venir plus souvent en weekend à Paris (vu que je suis incapable de retourner à Lux) pendant que je le tire dans la même direction, espérant qu’à nous deux nous arriverons à ébranler ses habitudes de vieux garçon, Antoine qui se fait du soucis pour Pierre et qui ne sait pas qu'entre Pierre et moi il ne saurait être question d'autre chose que cette immense affection, cette complicité, Pierre et Antoine et moi devisant sur les maux du monde et de nos sociétés devant un Alexandra dans ce café feutré et hors du temps que j’aime tant, et que j’aime tant leur faire découvrir aussi… Pierre et Antoine, gentlemen jusqu’au bout des ongles, qui hèlent et payent d’avance le taxi qui me ramènera à une heure indigne encore sous mes toits tandis qu’ils rejoignent leur hôtel… Pierre et Antoine, qui a cette heure ont repris la A4, puis la A31, et enfin la frontière…

Pierre, mon ami Pierre, mon frère luxembourgeois … Merci, merci, merci, encore…
posted by Lisbeï @ 11/19/2003 01:54:00 PM ::
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