Lisbeï
Grand tripotage de nombril et autres divagations
juin 17, 2004
Il y a bien longtemps, quand mon cerveau réussissait encore à tourner un peu, j’ai souvenir d’avoir suivi des cours de philo pô (licence ? maîtrise ?) passionnants sur la notion du temps, et de la notion du temps et donc des rites de la vie dans les différentes religions monothéistes, en particulier en ce qui concerne la chrétienté et le judaïsme. La démonstration du prof était limpidement passionnante, le but étant de comparer la conception linéaire de la chrétienté à celle circulaire du judaïsme. Impossible de m’en souvenir, d’ailleurs… Athée par croyance et par éducation, croisement de l’un et de l’autre de par les histoires familiales, il faut pourtant croire que je suis la version cyclique (et cyclothymique, merci, je sais).

Le 17 juin revient, quoi que je fasse, inexorablement. Il est pourtant lointain, ce 17 juin là. Je ne veux pas aller chercher son histoire dans les archives. Je le regarde avec détachement. Je me souviens de l’hébétude. D’une sorte de dédoublement, une S. recroquevillée dans un coin de canapé écoutant avec stupeur les mots définitifs qui sortaient de sa bouche, tandis qu’une autre S. semblait flotter dans la pièce, toute étonnée, en se demandant quand elle allait enfin se réveiller de ce cauchemar. Je me souviens de lui avoir demander de partir, calmement, posément. Je me souviens de son affolement à lui, « mais dit quelque chose ! ». Je me souviens des secondes qui se transforment en heures, à m’émerveiller sur le vert de mes plantes, la dextérité de mes phalanges, le silence, le soleil dans la pièce… Je me souviens de ce coup de fil à Yann, simple, posé, informatif (« Il part »), demandant juste un conseil (« Je fais quoi ? »), de sa panique à lui aussi par rapport à mon détachement. Je me souviens de la demie-heure de marche pour aller le chercher à la gare, mon Yannou qui avait sauté dans un train toutes affaires cessantes par ce qu’il avait tout de suite compris, comme il me l’a avoué bien plus tard, que c’était 4h de train ou se passer de sa grande sœur pour le reste de ses jours à lui. Je me souviens d’avoir eu envie, comme jamais avant ni jamais depuis, de me jeter sur les rails alors que le direct en provenance de Paris entrait en gare, 20h52…

Je me souviens de tout ça. Je me souviens de ce jour où je suis morte, émotionnellement, psychologiquement, affectivement. Je me souviens de cet « accident », qui a fait de moi une handicapée sentimentale.

Je ne pleure plus, depuis pas mal de temps maintenant. Il ne me manque pas. Je pense rarement à lui. Je ne lui fais même pas l’honneur de lui donner ne serait-ce qu’un prénom, même si j’ai appris à parler de lui, à l’admettre comme faisant part intégrante de ma vie. Sur le fond, en effet, ça aurait fini par se finir. Certes.
Restent les cicatrices. Restent les sursauts de haine, de crainte, de défiance, de distance. Restent ces réflexes pas jolis-jolis. Reste ce sentiment d’avoir été salie, abandonnée, rejetée, humiliée, comme violée à l’intérieur. Reste cette colère sans fond à l’idée que quelqu’un m’ait fait ressentir tout ça, et me fasse encore ressentir encore tout ça, si longtemps après. Reste cette haine que quiconque m’ait ainsi brisée, ait fait de moi éclopée. Restent un immense mépris pour la lâcheté des hommes, une immense défiance de fond, une immense terreur à l’idée de prendre le moindre risque que ça se reproduise un jour, ne serait-ce qu’au centième… Reste ce sur-place minable, ce déchirement entre recommencer à y croire dans l’absolu, et la certitude que ça ne pourra qu’exploser en plein vol à nouveau… Reste ce sentiment que même si je donne tout, ça n’est pas encore assez…

Comme tous les 17 juin, je me suis offert à moi-même un chouette verre de vodka. Non, pas la bouteille. Mais ce soir, je bois à la survivance. Plus aux amours brisés.

A la mienne.
posted by Lisbeï @ 6/17/2004 11:52:00 PM ::
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