Lisbeï
Grand tripotage de nombril et autres divagations
février 27, 2004
Je lui ai dit qu’il valait mieux pour lui qu’il me quitte. Tant qu’il le pouvait encore, sans être perclus d’états d’âme. Tant que je pourrai le surmonter, tant qu’il pourra le surmonter. Avant que vraiment ça ne détruise. Je lui ai dis qu’il fallait qu’il se sorte de ce guêpier. Que je me sentais glisser peu à peu vers là où je ne peux aller que seule, et là dont je ne peux sortir que seule. Je lui ai dis qu’une histoire à deux, c’était pour rire et être heureux. Et que je ne n’arrivais plus à l’être, rieuse et heureuse. Que je n’en avais plus la force. Et que ça n’allait qu’empirer avec le temps.

Je connais cette route. Je sais que rien ni personne ne peut m’empêcher de la prendre. C’est la lente spirale qui ronge, peu à peu, la lente et longue spirale qui fait que peu à peu, le monde extérieur s’éloigne puis s’efface, le monde intérieur se ouatine autour d’un vide empli de stupeur. Le téléphone reste sur répondeur, les mails sans réponses, les jours et les nuits s’enchaînent sans pauses et sans vagues, tout rendez-vous devient impossible à honorer sans 2h de retard. Et une fois sur place, rien. Ne pense rien, ne fait rien, n’a envie de rien, ne vois rien, ne raconte rien. Ectoplasme parfait. Encéphalogramme plat. Alors les rendez-vous s’espacent pour finir par disparaître. Et le vase clos est alors définitivement scellé. C’est le fond. La vase, visqueuse, nauséabonde, comme un long cauchemar récurrent, dont on s’éveille le cœur paniqué et les neurones au bord de l’évanouissement, avant de se re-évanouir dedans, justement. Marée basse absolue des grands marnages. Etale infinie. Ca peut durer 2h, 48h, 120h, 360h… 744h ? Quand le cauchemar se fait juste un peu moins implacable, je tente, je fais des petites choses, je bande toute ma volonté pour m’arracher... avant de retomber. Des fois ça débouche sur une grande chose qui me sort de là, du moins jusqu’au prochain échouage. Le plus souvent, non. Le plus souvent, c’est un sursaut dictatorial, un coup d’état militaire qui me fait basculer dans la frénésie de la remise en état de ma coque de noix. Ca brique, ça poli, ça renfloue… Ca remonte… Ca reflotte… Ca prend des riz… Ca louvoie vent debout, ça s’accroche, ça mouille, puis peu à peu, je hisse la grand voile à plein avant de voguer grand largue sous spi, houle derrière, histoire de surfer en plus de la force du vent et gagner encore quelques nœuds, juste pour le jeu, juste pour le plaisir de sentir le bateau vibrer entre mes mains, juste pour rire et sourire… Avant que… Avant que… Avant que. Parce que toujours, ça revient. Toujours. Je ne peux rien contre, et personne ne peut rien contre.

Je connais cette route. C’est aussi celle de la culpabilité, de la haine de soi d’infliger à ceux qui vous aiment la souffrance de vous voir dans cet état. Les heurter de leur impuissance. Ils s’inquiètent, il s’activent, ils se démènent… ils sont tristes à leur tour, ils s’en veulent d’être impuissants, je m’en veux de les faire souffrir, et puis mes forces déclinent, je n’ai plus la force de mentir, plus la force de porter cette double culpabilité…

Je lui ai dis qu’il valait mieux pour lui qu’il me quitte. Que si les mots de Lisbeï prenaient forme sur mes lèvres, que si Lisbeï s’exprimait peu à peu dans la vraie vie à la place de la riante et pimpante S., c’était le signe avant-coureur de la spirale. Je lui ai dis qu’il ne pouvait rien faire pour moi à part subir, et je refuse de faire subir ça à qui que ce soit. Je lui ai dis qu’il n’était pas une béquille, pas un psy, qu’il ne méritait pas ça. Qu’il lui fallait une fille comme je n’arrive plus à l’être, ardente, légère, rieuse, pleine d’allant et d’envies. Une fille tendre et douce et attentive. Pas un boulet, pas un poids mort. Il mérite tellement plus…

Je lui ai dis qu’il valait mieux pour lui qu’il me quitte. Il a compris que c’était moi qui voulais le quitter. J’ai pleuré en lui disant tout ça, il a pleuré en comprenant le contraire. Longtemps, nous sommes restés accrochés l’un à l’autre, sanglotant comme deux gamins à qui ont aurait brusquement annoncé que les vacances promises et tant attendues prenaient brusquement fin. Il a dit « non ». Non, je ne veux pas. Je veux rester, j’ai envie de rester. Et moi, moi, lâche et épuisée d’avoir déjà tant lutté contre mon mutisme pour lui dire tout ça, moi qui ne parle jamais vraiment, moi qui jamais n’avais eu l’audace de raconter cette route intimement redoutée, intimement familière, j’ai serré ce « non » dans mes bras, je me suis accrochée à ce « non », à la fois terrifiée, soulagée et ivre de culpabilité et de remords à l’idée de ce qui l’attendait, de ce qui nous attendait. Mais aussi lâchement et secrètement ivre de joie de ne pas subir un « oui ».

Je ne sais pas comment tout ça va finir.
posted by Lisbeï @ 2/27/2004 02:15:00 PM ::
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