janvier 29, 2004 |
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Il me parle parfois de ces petites heures qui l’assaillent alors qu’il se permet enfin de plonger dans la volupté du sommeil, toutes ces petites heures qui, jalouses de leurs comparses enfin enfournées, trépignent telles des gamines capricieuses en gémissant « Et moi, et moi ! ». J’en ai une bonne centaine qui me filent le train : il m’aura juste suffit d’entrebâiller la porte pour que la déferlante me submerge… Je vais tenter de tenir jusqu’à ce «-#@=*\-| » de départ en Bretagne histoire de siester en caressant les hérons du coin de l’oeil, mais elles se font pressantes, les bougresses… En même temps, depuis le temps que je fais la sourde oreille…
Toujours ce même sentiment de fuite et d’éludation. Demain. Plus tard. Un autre jour. Rien n’avance, tout traîne, les limbes explosent de projets et d’envies avortés. La base est complétée (Assedics, Anpe, banque, dentiste, nettoyage), le perfectionnisme gît (rangement, tri, réorganisation, service sur le mac, piscine). Petits boulots sous le manteau à gauche à droite, écumage de carnet d’adresse pour rattraper mon retard de convenances et d’invitations avec pour conséquence une carte bleue en berne, rien à raconter et un long silence à la question «Qu’est-ce que tu fais / va faire ?»… Oui, il est temps que j’aille piller les parcs à huîtres de mon étang préféré, il est temps pour moi de lâcher un peu / beaucoup, il est temps de me déconnecter du monde, des autres, du net, des obligations que je me créé et que je m’impose, il est temps pour moi d’aller faire une cure primitive de manger quand j’ai faim, dormir quand le sommeil vient, compter les cormorans pour le plaisir de les savoir plus nombreux, me plonger dans des lignes imprimées, admirer toutes les nuances de verts et de gris que prends l’océan sous le ciel d’hiver, griffonner à en avoir les doigts gourds sur des dérivés d’arbres, rêvasser au coin de feu en sirotant un breuvage qui fasse chaud à l’intérieur, me poser des millions de questions pour trouver des milliards de réponses, faire des colonnes de «oui, non, peut-être», plaider dans un sens, dans l’autre, dans les deux and back again, et enfin obtenir un vote à l’unanimité à 4h du matin quand 90% des neurones seront rentrées à la maison dans leurs voitures de fonction… Et agir en conséquence le lendemain matin, ou alors tout recommencer, encore…
Si tout va bien, dans quelques petits jours, je chatouillerai les hérons…
Mais rien que de relire ces mots agacés, j’ai le sentiment de reculer encore, de retarder encore, de trouver une excuse de plus pour continuer à me complaire dans ma complainte, pour surtout, surtout, surtout, fuir l’évidence : j’ai lamentablement éludé les 30 premières années. Que vais-je bien trouver comme prétexte pour foutre en l’air les 30 prochaines, sans ne même plus avoir l’excuse de la jeunesse et de l’inexpérience ? Parce que c'est bien tout ça qu'il va me faloir affronter, assumer la lâcheté des 10 950 derniers jours et justifier celle des 10 950 prochains (je m'autorise à éluder le dernier tiers, de toute façon, ça sera définitivement trop tard à ce moment là)...
Oui, je crois que là, il est urgent que j'aille hurler un grand coup au bord de l'étang... |
posted by Lisbeï @ 1/29/2004 10:53:00 PM ::
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