Lisbeï
Grand tripotage de nombril et autres divagations
décembre 23, 2003

Ca faisait très longtemps que je n’en avait pas eu envie. Pas eu le courage aussi. Trois ans en fait. Noël 2000. Luxembourg. Vincent. Evidement.
Nous venions enfin d’emménager dans l’appartement de nos rêves, après beaucoup d’étapes provisoires. Du boulot pour les deux. Une voiture. Des sous. Du temps. De l’amour. De la joie. Du bonheur. Des rires. Bien sûr, nous n’étions pas équipés. Les Noëls précédents avaient été heureux mais frugaux… Alors zou, direction l’Allemagne et retour avec plein de colifichets bleus et argents et un sapin qui sent bon au passage. Une belle guirlande, bien évidemment. Un beau grand sapin à l’ancienne avec les aiguilles qui tombent, juste pour le plaisir de cette envoûtante odeur de résine. Deux gamins fiers et joyeux, admirant pendant des heures et des heures leur beau sapin, leur sapin à eux, leur sapin à eux deux…
Noël. Chacun chez soi, par volonté commune… Son village, ma mégalopole… Mais rendez-vous ensemble aussi… Rendez-vous à la maison… Le retour le cœur battant, quelques heures avant lui, préparatifs, emballage des derniers cadeaux tout juste ramenés de France, cette multitude de paquets, des grands, des petits, des moyens, des babioles, des surprises, des clins d’ œil, des sérieux et des pour rire… Tous ces paquets multicolores nichés sous les branches comme autant de déclarations d’amour… Une jolie robe, les bougies et les guirlandes… Clef, porte… Les rires et l’émotion des retrouvailles, nous qui ne supportions pas d’être séparés plus de 3 jours… Pique-nique, évidemment sous le sapin, avec tous ces mets de Noël et cette extraordinaire bouteille de Gewurtz qui valait chaque centime de la fortune qu’elle nous avait coûté… Et puis l’ouverture des cadeaux, les « oh » et les « ah », les « tu es folle! »… Et puis un petit paquet niché dans les branches, un petit paquet de velours noir pour moi… Un petit paquet au cœur duquel était niché deux feux blancs posés délicatement sur les flots lisses d’une mer d’or…

Nous avons fait l’amour sous le sapin cette nuit là, les papier-cadeaux en charpie bruissant à chaque geste, nos baisers ponctués des « ouilles » de celui dont la hanche ou le derrière venait de se faire harponner par l’angle d’un livre ou un cd, les corps constellés d’aiguilles de sapin… J’ai le sentiment que cet hiver là correspond à l’apogée de ces presque 3 ans d’amour fou, de ces 3 ans de cœur à la chamade. Jamais nous n’avions été aussi heureux, confiants, sereins que cet hiver là. Et pourtant, 6 mois plus tard, c’était l’effondrement absolu. L’amputation. Le retro-planning était en branle et nous ne le savions pas.

Je me souviens du Noël suivant. 2001. Je me souviens de ce crabe permanent dans l’estomac, de ces longues heures d’hébétude dans le froid et l’obscurité de Luxembourg. De ce corps sur pilote automatique, de cette douleur sourde qui était devenue la norme, de ces envies de rien, de ces vides. Manger, à quoi bon ? Dormir, à quoi bon ? Voir des gens, à quoi bon ? Vivre, à quoi bon ? Noël, à quoi bon encore… Pas de sapin, pas de Noël dans cette grande maison mausolesque… Surtout pas… J’avais fuit Luxembourg au plus vite, fuit Noël, fuit à Paris pour les seuls 15 jours de vacances que j’aurai pris cette année de parenthèse là, fuit les fantômes de notre vie à nous pour m’oublier dans ceux de ma vie à moi, ma vie avant lui, ma vie en propre, ma vie autonome, quand j’avais encore une existence propre, une raison de vivre autre que celle d’aimer et d’être aimée de… La vie qu’il allait falloir que je continue après lui aussi… Oublier Noël à Luxembourg… Oublier Luxembourg… Oublier Vincent… Juste une trêve dans ce chemin de croix… J’avais vraiment dû leur faire peur, à tous… Sûrement le premier Noël depuis des années où chacun à leur manière, ils s’étaient serrés les coudes, ils s’étaient serrés autour de moi, oubliant temporairement nos oppositions de forme pour ne laisser place qu’à cet amour indéfectible, qui nous porte tous autant qu’il nous mine… Leur chaleur, leurs attentions, leurs tendresses, leurs partages simples comme autant de baume apaisant sur un cœur écorché vif… Ils m’avaient tellement émue…
Je me souviens du retour, étonnamment moins insupportable que ce que je redoutais, ce retour avec juste ce petit supplément d’espoir tapi en moi, ce petit plus, cet embryon d’étincelle de vie, cette étincelle d’envie… L’impression que le plus dur était fait, que le tournant s’amorçait, que le bout du tunnel émergeait enfin, que tout ça n’était plus qu’une question de temps et non plus une impasse dont toutes les issues étaient murées. 2002, l’année du retour… Ca faisait si longtemps que je n’avais pas eu envie de quoi que ce soit…
De retour au bureau, j’étais tombée sur cette pile de cartes de vœux en attente de paraphes que j’avais fais faire sans budget et sans envie… Des cartes élégantes, sobres, dignes… Mais aussi glacées, sinistres, oppressantes…Ces cartes argent et bleu… Presque des cartes de deuil…

Cette année, j'ai eu envie. J’ai fait un sapin. Presque. Trois grandes branches assemblées au bolduc, quelques babioles (d'autres) et un nœud de ruban jaune en guise d’étoile. Les garçons m’ont taquinée sur mon sentimentalisme. Pour la première fois de ma vie, je me suis faite un sapin pour moi. A moi. Indépendamment de qui que ce soit. Pour mon propre plaisir. Pour mes propres yeux émerveillés de vieille gamine rêveuse, pour la douceur et la tendresse. Je mettrai mes chaussons devant demain soir, même si comme toujours ces 48h de Noël vont plus relever du marathon familial que de la douce quiétude des veillées d’antan, et qu’aucune festivité ne se déroulera sous mes toits. Les garçons seront eux aussi en famille. La maison sera vide. Juste mes chaussons, pour le geste, et puis aussi sûrement quelques douceurs pour les gourmands.

Enorme crise d’insomnie cette nuit, comme je n’en avait pas subit depuis des semaines. De guerre lasse, je suis partie errer dans l’obscurité et le silence de la maison, comme souvent dans ces cas là. J’ai fini par me blottir contre le sapin, hypnotisée par la lueur diaphane des guirlandes et la braise de ma cigarette. Longtemps, je suis restée ainsi recroquevillée contre ces branches, respirant cette odeur que j’aime tant, l’esprit divaguant… C’est Raphaël qui m’a réveillée ce matin en allant se faire un café…
posted by Lisbeï @ 12/23/2003 01:23:00 PM ::
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