Lisbeï
Grand tripotage de nombril et autres divagations
août 08, 2006
Mamie

Parce que tant que j’ai mal, je fais attention. Je fais attention à ce corps que je n’aime pas et qui me le rend bien, à ce corps injuste et malcommode qu’une mauvaise fée m’a généreusement infligé il y a de ça presque 384 mois.

Tant que j’ai mal, je suis obligée de faire attention à lui. Je ne peux plus l’ignorer, je ne peux plus le nier. Tant qu’il me fait mal, il se rappelle à mon mauvais souvenir en permanence. La nuit. Le jour. A chaque geste. A chaque impulsion. A chaque réflexe. Tout le temps. Ad vitam aeternam.

Par la douleur, il me rappelle comment il fonctionne, il me livre les détails de ses rouages. Il me re-explique Newton et la pomme par l’exemple, permanent et lancinant. Pas besoin de pomme, d’ailleurs, son propre poids suffit.

Parce que tant que j’ai mal, je pense à lui, je pense à tout. Garder le dos droit, mais pas trop raide. Se lever, lentement. S’asseoir, précautionneusement. Se plier, se déplier. Se caler dans le métro. Tourner la tête, pousser une porte, attraper la Carte Orange au fond du sac. Marcher, pas trop vite, le plus fluidament possible. Surtout, ne jamais s’arrêter : c’est ce qu’il déteste par dessus tout, l’immobilité, le piétinement, le dandinement inconscient d’un pied sur l’autre. Par dessus tout, mais avec juste derrière tout ce qui n’est pas lui même : un sac de fille, même allégé au maximum, un livre, des emplettes de base, et je n’ose même pas lui rappeler l’existence de trucs bien utiles et agréables style Coca ou autre réconfortant liquide.

Le truc, c’est que ça fait maintenant 3 semaines. Que personne ni quelconque molécule chimique n’est à ce jour capable de l’annihiler, cette douleur. Qu’avec du repos, i.e. de l’immobilisme, me dit-on, tous ces disques, muscles, articulations, tendons et autres engrenages divers vont peu à peu retrouver leur lustre et leur souplesse…Qu’à part du repos, il n’y a rien à faire. Que le toubib compatit, mais qu’il n’y peux rien. Qu’il ne sait rien ?

3 semaines de repos, c’est aussi 3 semaines sans lessives, 3 semaines sans courses autonomes, 3 semaines accumulées de bordel in da house, 3 semaines sans ‘ternet à la maison pour cause de siège pas du tout adapté, 3 semaines sans ballades, 3 semaines sans sorties, 3 semaines sans Parc Floral, 3 semaines sans librairies, 3 semaines sans terrasses, 3 semaines sans câlins… 3 semaines d’assistée et de passivité… 3 semaines de petit vélo (c)… 3 semaines d’attente…

La Patience, reconnue vertu numéro 1 de Lisbeï depuis 1974…

3 semaines… Et combien encore derrière ? A avoir mal ? A ne pas savoir pourquoi ? A ne pas savoir comment ne plus ?

Alors pour demain 16h45, rhumato de mon cœur, tu as intérêt à sérieusement avoir potassé ton Vidal et ton chapitre sur les lombalgies chroniques aiguës et persistantes. Très, très, sérieusement.

Parce que tant j’ai mal, je fais attention. Parce que tant que j’ai mal, je fais attention à ne pas me faire mal en pire. Mais je commence vraiment à flipper.
posted by Lisbeï @ 8/08/2006 03:52:00 PM ::
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