Lisbeï
Grand tripotage de nombril et autres divagations
février 14, 2006
Saint Valentin

Ils se sont mariés le 14 février 1974 à la mairie du Ve.

Le même jour, à 490 bornes de là, naissait Nolwen.

Nolwen, sa maman et la mienne ont fait connaissance en juillet 1974 du côté des 490 bornes en question. Ma maman raconte que quand elle a vu Nolwen la première fois, elle a dit qu’elle était tellement belle qu’elle voulait que je sois exactement pareille. Moi, j’étais encore dans le four. Un mois plus tard, je rejoignais la troupe.
Raté, j’étais déjà brune.

Février 1992. Ils sont partis fêter leur anniversaire de mariage à Londres. Une semaine chez des amis. Ils sont revenus sans se parler.

La séparation de corps a eu lieu à ce moment là. Elle dans la chambre, lui dans le canap’.
Il a quitté la maison en avril. Il est revenu en juillet. Dans la chambre.

Il est reparti sur le canap’ vers novembre.

Oriane est née en mars 1993.

Elle nous a dit : je pars, je ne peux pas le supporter. C’est de sa faute à lui. C’est à cause de lui que je pars. A cause de lui et son enfant adultérin. Sa bâtarde. C’est lui qui faute, et c’est moi qui suis obligée de partir. Ce n’est pas juste. Si vous m’aimez, si vous êtes de mon côté, si vous aussi vous estimez que c’est lui qui est en tort, si vous convenez que la faute est sienne et que c’est un salaud, vous venez avec moi. Vous venez avec moi vivre à 25 km de la maison, soit 45 bornes de Paris, 45 bornes du lycée, puis de la fac, dans la maison d’une autre famille en ruine, où vivent un homme inconnu et épuisé, et deux enfants que vous apprendrez avec le temps à mépriser au mieux, à haïr au pire.

On a été des salauds. On est des salauds. On est resté. Et ça fait plus de 15 ans qu’on le paie.

Elle est partie en août 93.

Il est reparti en octobre 1993. Puis revenu. Puis reparti. Puis revenu. Puis re-reparti. Parfois avec des femmes, parfois seul. Un passage par mois environ, pour prendre son courrier.

Elle est partie, mais elle était toujours là. Tous les soirs. A nous reprocher de la laisser partir. A nous reprocher de ne pas avoir choisi. A nous reprocher de ne pas l’avoir choisi. A nous reprocher sa vie et ses choix à elle.

Alors on a fui aussi. Chacun dans son monde. Yann la musique. Moi les livres et la politique.

Ils ont divorcé à l’amiable en juin 1997. Elle me raconte que le jour où le divorce a été prononcé, il était bien évidement en retard à la convocation. Elle l’a vu arriver, en regardant par la fenêtre du bureau du juge. Elle me dit qu’à sa vue, son coeur à bondi, comme il le faisait à chaque fois depuis ce jour de juin 1973. Et qu’elle a divorcé de l’homme qu’elle aimait. Et que si elle avait pu, elle aurait divorcé pour faute, contre lui.

Il ont loué la maison en 1997 à un couple sympa.
Avec Yann, on a passé 15 jours a vider la maison, cette maison qu’ils avaient pratiquement reconstruit de leur mains. 15 jours a remplir des camionnettes pour le Secours Populaire. Une vie de livres, de vêtements, de bibelots, de vaisselle, de meubles, de jeux, de jouets, de peluches, de souvenirs.

Un weekend avec tous nos amis mis en commun pour remplir et vider une camionnette chacun, direction appart’ de Yann le samedi, appart’ de moi le dimanche.

Lui, il s’est contenté d’envoyer un camion de déménageur pour prendre son piano, ses tableaux. On les a vu eux, mais pas lui.

Ils ont vendu la maison aux locataires en 1999.

Depuis 1997, j’ai des tonnes de cartons non ouverts que je traîne de déménagement en déménagement. Je ne sais même pas ce qu’il y a dedans. Je ne veux même pas le savoir. Je traîne ma maison sur mon dos. Elle pèse des milliards de tonnes. Je me souviens d’une soirée entière à chialer accrochée à un volant, parce que je venais de me rendre compte que tout ce que j’étais à 25 ans tenait dans une 106.

Je n’ai nul part où aller. Je n’ai nul part où rentrer. Je ne suis chez moi nul part. Je n’existe nul part. Errance en contrat à durée indéterminée.

Depuis, il a divorcé maintes fois. Elle est séparée. Ils vivent seuls, elle dans un deux-pièces du 91, lui dans une péniche qui prend l’eau du 95. Seuls, 60 ans, au chômage et pas assez de cotisations pour la retraite.

Bon anniversaire Nolwen. Tu n’y peux rien si tu es née ce fameux 14 février.

Bon anniversaire, maman, papa.
posted by Lisbeï @ 2/14/2006 03:34:00 PM ::
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