Lisbeï
Grand tripotage de nombril et autres divagations
décembre 23, 2005
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Elle lisait La Peste.
Il faut que j’en parle. Je ne m’en suis pas rendu compte tout de suite. Je n’ai pas compris tout de suite. En fait, je crois, je ne suis pas sûr(e), je n’ai sans doute pas encore tout compris.
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Je n’ai pas tout compris. Parce qu’Elle, Elle ne faisait rien de plus que de lire La Peste. Sans un mot, sans un regard.

Je me souviens avoir franchi la porte, étonnée de La trouver là, et puis avoir rasé les murs pour rejoindre ce que j’appelais ma chambre (et ce qu’on me rappelait constamment n’être que Chez Elle, et donc entièrement soumis à Son bon vouloir et ouvert à ses légitimes fouilles quotidiennes.). Raser les murs, parce que si Elle était là, c’est que quelque chose d’encore plus bizarre que d’habitude avait dû se passer.

« Dans le doute, abstiens-toi ». J’avais appris à me fier à mon instinct de survie.

Une fois dans l’antre qu’Elle avait daigné m’allouer, je me souviens m’être allongée dans « mon » lit, sous la fenêtre, pleine vue sur le ciel… et sur mes rêves, la seule chose qui lui restait inaccessible… Somnambule éveillée, ce sont les mots qui me viennent pour qualifier cette période de ma vie. Dormir, même éveillée, pour ne pas l’être, justement, éveillée à ce monde…

Je n’ai sans doute pas tout compris, même maintenant. Je ne sais ce qui a mené alors mes pensées vagabondes à une telle conclusion. Mais pour moi, ce fut le même flash subliminal que ce qu’a dû expérimenter ce grand benêt de Frédéric lorsqu’il rencontra la fadasse Madame Arnoux.

Un « éblouissement » :







Un éblouissement, accompagné d’une mise à nue brusque et absolue, la claque de la compréhension et de la réalisation. Comme si d’un seul coup, les pièces de l’échiquier n’étaient plus ces gens flous, ces évènements sans origines ni évolutions, ces alternances sans queue ni tête, mais au contraire la carte incisive et sans pitié de ce jeu, de cette vie qui était la mienne, la nôtre.

Je n’ai sûrement pas encore tout compris, mais il faut que j’en parle. Il va falloir que j’en parle. Il va falloir accepter d’en parler. Il va aussi falloir accepter de L’entendre.


Contribution au Sablier du J-9
posted by Lisbeï @ 12/23/2005 09:13:00 PM ::
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