octobre 17, 2003 |
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C’était le dernier dimanche d’été. J’avais le cœur dans l’estomac, un dolmen avait squatté sa place, et le cerveau était parti se planquer du côté des sandales. J’avais pleuré dans les bras de Nolwenn la veille, puis parcouru 400 km en 12h, histoire de plomber de ma présence une soirée d’anniversaire campagnarde, avant de me trainer, la mort dans l’âme et 4h de sommeil en stock, à ce pique-nique que j’avais pourtant organisé… Pas moyen d’y échapper décemment …
C’était le dernier dimanche d’été à l’ombre des descendants du chêne de Saint Louis, et les heures s’étaient égrenées à écouter, comme dans un rêve lointain, les caresses d’un homme sur ses cordes, quelques voix se joignant parfois pour soupirer ces chansons qui parlent de secrets honteux et d’errances vaines.
C’était le dernier dimanche d’été, et je n’arrivais même plus à savourer le plaisir de ce corps malléable en robe de fille, la première depuis tant d’années sur laquelle j’arrivais à avoir un regard autre que haineux, ni celui de cette musique pourtant remède habituellement infaillible contre le vague à l’âme…
Il était tard, et puis je n’en pouvais plus de faire de la présence… Ni les rires des gentils, ni le soleil, ni rien, rien, rien… Rien à faire pour desserrer les dents… "Je vais y aller, à bientôt …". "Attends-moi, je rentre aussi…"
Nous voilà partis sur les sentiers du retour… Nous nous connaissons une passion commune, mais nous ne nous connaissons pas, nous… Moi qui n’aspirais qu’au silence et au vide… Ses questions sont comme autant de coups de poing dans l’estomac qui m’exilent encore plus dans mon hébétude tout en activant cette violence aveugle que je tente pourtant de retenir depuis des jours… "T'es qui? Tu fais quoi ? Tu aimes quoi ? Tu lis quoi ?". C’est tout simple pourtant, cette parade bêtement banale du "faisons connaissance…" Pour moi, c’est dos-au-mur, une suffocation qui fait exploser un torrent de panique et de rage, le cœur à 350 km/h… "Mais qu’est-ce que ça peut bien te foutre ?". Je m’arrête, le cœur au bord des lèvres, je le dévisage... Je me tais… Je fini par murmurer un "Et toi ?"… Juste qu’il parle de lui, pour avoir la paix moi, juste pour qu’il ne me touche pas…
Et ces mots, ses mots qui me désarçonnent encore plus, comme s’il se mettait à nu : ce qu’il aime, ce qui le touche, ce qui le fait pleurer, ce que ça révèle sur lui, ses lueurs d’espoir, ses doutes, ses rires spontanés, ses souffrances, ses points faibles et ses fragilités… Alors que moi je suis là, la hache à la main et le meurtre dans les yeux … J’ai honte… Honte de moi, honte de ma haine, honte de ma violence... Et puis mal pour lui, peur pour lui, peur de son inconscience… Comment peut-il se livrer ainsi à une inconnue, comment peut-il aussi simplement, pacifiquement, spontanément me donner son trousseau de clefs et m’indiquer toutes les serrures avec sourire et confiance… Ses mots si simples qui sonnent comme autant "d'être" libre, assumé, serein… Cette impression de paix, de fluidité, d’unité absolue avec lui-même… Pas peur de parler, de se montrer, de s'exposer aux regards des autres, parce que tout en en paix, l'endroit et l'envers "un, unis et indivisibles". De comptes à rendre à personne, un face à face pacifique et unifié dans un miroir sans tain... Inateignable parce que certain de ce qu'il est... Il me fascine/terrifie...
Je l’abandonne / le fuis lâchement dans un métro, ombre de moi-même silencieuse et complètement sonnée… D’un seul coup, il a l’air bien petit et fragile coincé sur sa banquette… Je fuis retrouver mon silence hurlant et chaotique… Il a dû se dire que j’étais cinglée… Ce jour là, ce n’était pas totalement faux. |
posted by Lisbeï @ 10/17/2003 05:51:00 PM ::
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