décembre 04, 2003 |
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Deviens ce que tu es
Oui, j’ai dit ça. Je sais que ça ne fait pas très joli dans la bouche d’une jeune fille, mais après avoir vainement cherché une image plus "propre", je me vois contrainte de continuer à utiliser celle du peep show. La phrase exacte était : "Mon blogue, c’est comme un peep show : tu te mets à poil, tu exprimes en public ce que tu es vraiment et que la peur du regard des autres t’empêches d’être, mais tu ne le croises pas, ce regard des autres, planqué qu’il est derrière des miroir sans tain". Tu ne les vois pas, tu n’interagis pas, tu ne te laisses pas influencer et donc bâillonner par ces autres, tu ne t’adaptes pas à leurs regards pour faire ce qu’ils voudraient que tu fasses. Tu continues à faire ce que toi tu veux. A être ce que toi tu es. Pas ce que les autres aimerait que tu sois, pas une vitrine à relations publiques, pas un produit marketé avec analyse du marché, ciblage, plan de pub, etc. Et tu t’exposes, parce que tu aimerais bien pouvoir arrêter de mentir comme tu respires, tu aimerai bien être toi aussi en public. Le blog comme dernière étape avant le "coming out" définitif (?)...
En fait, tout ça était parti d’une banale question : "Alors Lisbeï, comment va ton blog ?" Bah, il va mal en fait mon blog. Lisbeï va mal. J’ai découvert aujourd’hui que cette pathologie portait le joli nom de "blues du bloggeur".
Non, Lisbeï ne va pas bien. Lisbeï n’a plus le sentiment d’être libre entre ses 6 faces sans tain, libre de rêver, de tempêter, de pleurer, de rager, de raconter les choses et les gens qui lui font mal, aussi vain et nombriliste que cela soit, d’exhumer et tuer définitivement tous ces fantômes qui la hante, de s’interroger, d’errer, de divager… Lisbeï a maintenant parfois l’impression d’être sur une scène, d’être devant un public dont elle croise le regard, un public qui exige, un public qui demande des comptes, des explications, un public envers lequel il faut se justifier, un public auquel elle doit s’adapter, un public avec lequel elle interagit, un public auquel il lui faut maintenant parfois mentir, comme aux autres… Un public… Un tribunal ? Alors, d’un seul coup Lisbeï se crispe : plus question de laisser des fautes de frappes, des mots qui manquent, des fautes d’orthographes grosses comme elle, plus question de publier quoi que ce soit qui ne soit bien lisse, bien travaillé, bien poli, plus question d'écrire sur ce qui la ronge parce que la source du rongage aussi a des yeux… Plus question de fauter, d’être faible, de laisser par négligence le moindre interstice où l’on pourrait chatouiller, voire frapper…
Je me suis toujours refusée à référencer le "produit" Lisbeï. A part la boucle Paris Blog, je ne suis sur aucun annuaire ni groupement de diariste quelconque, et il est hors de question de le faire. Oui, j’ai naïvement cru que ça suffirait pour rester tranquillement dans mon coin, avec 2 ou 3 fous comme lecteurs, des aussi dingues que moi. Puis je ne sais trop comment, les gens me trouvent. Me lisent. Me lient. Parfois me citent. Et les chiffres montent. Vertigineusement. Et puis je fais de grossières erreurs aussi. Et puis les lecteurs, peu à peu, émergent de la brume. Ils ont des visages, des vies, des personnalités, des regards… Des demandes, des exigences, eux aussi… Ils entrent dans ma vie, parfois la secoue en tout sens… Mais je n’ai plus nulle part où me réfugier, même plus ici… Alors je me tais. C’est peut-être une des rares choses que je fasses aussi en "live". Quand ça va pas, je me tais. Voir le vide qui règne ici depuis quelques semaines…
Bien sûr, j’ai le plan B. Depuis le début pratiquement, le plan B est en stock. Un autre blog, un autre nom, mais un blog aveugle et muet, sans commentaires, sans mail, sans liens, une fenêtre fermée… Mais avoir recours au plan B, c’est avouer la défaite, c’est réduire à néant tous les efforts mis dans Lisbeï, toutes les luttes, tous les millimètres gagnés un à un… C’est baisser les bras, fuir… C’est revenir à 0…
Alors, poser, pauser ? Beaucoup le font. Je l’ai fait aussi. Une autre pause ? Je n’en ressens pas le besoin irrépressible… Mais recadrer ma ligne éditoriale, oui. Oublier les lecteurs, même ceux qui ont un visage, oui. Dire "Allez tous vous faire foutre", oui. Dire "Quoi que vous pensiez, c’est comme ça et pas autrement", oui. Dire, "Je fais ce que je veux, j’écris ce que je veux, quitte à ce que ça vous froisse", oui. Dire, "Je n’écris pas, parce que je n’en ai pas envie", oui. Dire, une fois encore, "Je n’ai pas de comptes à vous rendre", oui. Défendre ce blog comme mon dernier espace autonome et libre, oui.
Je me souviens d’un qui s’interrogeait un soir à voix haute sur mes comptes rendus systématiques de Paris Carnet. Et bien voilà, je n’en ferai pas. Pas envie. Ceux avec lesquels j’ai parlé savent qui ils sont et ce qu’on s’est dit. J’ai beaucoup apprécié ces moments, même si une fois de plus j’ai du débiner 500 bêtises à la seconde. Les autres, ça sera pour la prochaine fois.
Alors oui, je vais recommencer à écrire sur les kilos, les fantômes, les anciens et les nouveaux, et tout le reste. Je ne vous laisserai plus mettre Lisbeï mal à l’aise, je ne vous laisserai plus la culpabiliser, même ici, sur ce qu’elle devrait être ou ne pas être. Elle n’écrira plus en allusions. Elle recommencera à écrire pour elle. |
posted by Lisbeï @ 12/04/2003 04:00:00 PM ::
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