Lisbeï
Grand tripotage de nombril et autres divagations
novembre 05, 2004
A Day In A Life

Je crois que le plus dur, c’est à 14h. La lassitude de la matinée passée à chercher et compiler les offres, avant de consacrer l’après-midi à y répondre, la pause déjeuner qui a fait tout oublier juste un moment…Et là, là… Là, il faut s’y remettre… Aligner les même c…. sur des descriptions de postes banalement vagues, flous, chiants… Qu’est-ce qui n’est pas motiv(és)ant ? Les boulots en eux-même ou les gens qui ont pour taf de rédiger les offres ? Alors, pour ne pas craquer, pour ne pas m’enfouir dans un bon bouquin ou alors m’évader de là, pour ne pas craquer et passer la nuit suivante sans fermer l’œil à me haïr de mon immobilisme et de ma lâcheté, je descend boire mon café au comptoir chez Jacqueline et Dédé. Le bruit, le monde, la vie, les cafés de quartier que j’aime tant, les mamies aux petits blanc et les papis au petit jaune… Humer la vie, juste quelques minutes…Et puis, et puis… C’est aussi à ce moment là que c’est le plus dur de remonter. Remonter, me hisser sur les flancs abruptes de ma montagne personnelle, retrouver mon blanc et bleu pollué sonorement par je ne sais quels travaux de ravalement, dont l’échafaudage procure aux ouvriers une vue plongeante sur ma douche…

En fait, non. Le plus dur, c’est le matin. Le matin au lever, lorsque je me rends compte brusquement que, malgré 4 réveils qui hurlent de concert, mon inconscient à encore eu raison de moi, et que je suis encore sous la couette… Même pas douchée, que déjà culpabilisée…
Alors, vite, je me lève, comme si c’était pour de vrai. Le manuel de l’hygiène quotidienne en rangs serrés et complets. Quelques concessions au « on dirait que » : pas de talons, pas de collants mais un bon vieux jean des familles et le plus gros pull sur lequel je puisse mettre la main. Un coup de brosse, et zou… Un an presque que je ne me suis pas maquillée « au quotidien »… Juste un soupçon de senteur, luxe vain, juste cette mini touche de fifille, de dépense gratuite…
Fière de moi, je m’en vais m’autoféliciter chez Jacqueline et Dédé. Disons plutôt « sortir de mon sommeil par définition comateux ». En temps normal, il me faut une bonne heure. Là, ça ne sera qu’une poignée de minutes… Manteau ? A quoi bon, pour 20m aller-retour ? Si je prends un manteau, si je prends mon sac, je risque de filer… Alors, non, juste chez Jacqueline et Dédé, qui me posent un café sur le comptoir avant même que je ne me sois hissée sur le tabouret du bar. Je lis les vraies nouvelles du monde, pas celle des intellos. 1 Parisien + 1 café = 1 euro… Un paquet de clopes aussi, dont je n’ose m’avouer à moi-même le montant… On s’enquiert de la santé de Popeye et Joséphine, on gratte des oreilles canines, parce que même si on a une peur bleue des chiens, ça fait parti du rituel… Voilà, c’est mon quart d’heure du matin, mon « meilleur moment de la journée à moi »… Mes seules paroles après le bonjour / au revoir à mes hôtes cafetiers ne viendront pas avant au moins 19h…Maintenant, il me faut rejoindre mon désert sous les toits… Un jour, il faudra que je compte les marches, juste pour connaître exactement l’étendue de mon calvaire… Remonter dans le silence, l’ennui, le vide, le découragement, les « à quoi bon », remonter affronter tous ces mails que je m’évertue à envoyer avec pour seul écho, et dans le meilleur des cas, une réponse automatique…

Vous nous avez adressé votre candidature en réponse à l'annonce XYZ. Nous vous remercions de la confiance que vous nous témoignez.
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Merci Madame, merci Monsieur. Ouais.

Peut-être qu’en fait, c’est plutôt vers 16h que c’est le plus dur. Une dizaine de lettres de motivation et de cv sur mesure plus tard, j’en ai ma claque… Mais il reste encore quelques offres auxquelles je dois répondre, alors que je n’en peux plus… Je n’en peux plus de solitude, je n’en peux plus d’écrire des montagnes de m… de self-marketing, je n’en peux plus de cette « interactivité » ou j’ai le sentiment d’être la seule à être active… En face, on en reçoit 300 par jour, des candidatures… Pauvre chair à canon… Mais non, il faut continuer… Continuer, tenir… Plus d’excuses pour allez voir Jacqueline et Dédé au coin de la rue. Si je continue à ne rien faire, si je ferme les yeux et me laisse entraîner par les autojustifications minables de « j’en ferai plus demain », si je me laisse prendre par le cycle du « plus tard »… Je sais que je n’en relèverais pas… Alors je serre les dents, et je tiens… Je tiens… Vers 18h30 / 19h, je raccroche pour la journée… Un peu coupable quand même de laisser deux ou trois offres sur ma liste « todo » prioritaire du lendemain matin…

19h. Je n’en peux définitivement plus. Sortir, voir des gens, rire, vivre… Mais les autres, comme moi, terminent leur journée de travail. Ils ont été assaillis pendant 8 à 10h de gens demandeurs, exigeants… Ils n’ont qu’une envie, être au calme et qu’on leur foute la paix… Je ne m’en souviens que trop… Alors… Et puis, ces questions insupportables : « Alors, quoi de neuf ? Bah, rien ». Ouais. Les conseils qui fusent, les encouragements, la sollicitude… J’ai du mal à entendre tout ça, même si je l’apprécie aussi…

Et puis les sous. Les sous qui s’évaporent comme neige au soleil, malgré tous mes efforts de tempérance et mes comptes d’apothicaire, mon compte épargne qui se vide peu à peu sans jamais se remplir, les réserves qui ne sont plus que de tous petits chiffres… Alors, toute sortie est un calvaire… Trop de librairies dans cette ville, trop de bars, trop de restos, trop de cinés, trop de fringues, de chaussures, trop de tickets de métro, trop de tout… Les amis subventionnent de bon cœur les bières et les bons petits plats, mais personne ne roule sur l’or, et surtout, je ne peux pas rendre… Le chéri s’est fait membre fondateur et donateur principal de la « Lisbeï Financial Rescue Fund », mais, mais… En presque 1 an, j’ai réussis à le mettre lui aussi sur la paille… Et toujours pareil, je ne peux pas rendre… Et puis…

Alors, surtout, ne pas trop sortir… Non, ne pas sortir, s’offrir juste un café chez Jacqueline et Dédé, et remonter travailler, travailler à chercher du travail, travailler à chercher des sous, travailler à me trouver un contrat d’esclave…
posted by Lisbeï @ 11/05/2004 01:06:00 PM ::
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